Où l’histoire imprègne la culture

Le nouvel élan donné au quartier prend racine dans l’histoire d’un secteur de Montréal qui a su, au fil des décennies, marquer l’histoire de la ville et l’enrichir sur le plan culturel.

La partie nord-est de l’arrondissement de Ville-Marie est un secteur résidentiel ancien qui possède une identité forte, marquée par une vie communautaire et culturelle foisonnante.

Son histoire est riche, et les composantes de son patrimoine sont variées. À elle seule, la rue Ontario Est invite à un formidable voyage dans le temps. On y retrouve une trame de petits immeubles commerciaux, ponctuée par la présence de bâtiments industriels, religieux et scolaires, ainsi que des édifices publics et des parcs.

Dans la seconde moitié du 19^e siècle, le secteur industriel devient un formidable moteur de développement pour Montréal. En quelques décennies à peine, la petite ville commerciale devient une puissante métropole industrielle. Les usines se multiplient et transforment l’espace urbain. La population s’accroît, et de nouveaux quartiers apparaissent. Plusieurs usines s’implantent, d’abord en bordure du fleuve, puis le long de certains axes comme l’avenue De Lorimier et la rue Parthenais. Des milliers d’habitations ouvrières sont construites et côtoient les usines, les églises, les commerces et les écoles.

Un nouveau milieu de vie prend forme. En 1882, le Montreal Hunt Club, issu de l’élite anglophone, se fait construire un pavillon prestigieux sur l’avenue De Lorimier, là où l’on retrouve aujourd’hui le parc des Royaux. Des bals et des banquets s’y déroulent jusqu’en 1898. Une sociabilité ouvrière existe à l’échelle du voisinage et des lieux de travail, qui regroupent parfois des centaines, voire des milliers d’ouvrières et ouvriers partageant les mêmes conditions de vie. Mais c’est surtout au sein des paroisses qu’une sociabilité plus formelle se structure. Au-delà des fêtes et des célébrations religieuses, les paroisses soutiennent diverses associations et œuvres charitables. Elles proposent des loisirs organisés et des divertissements qui répondent, bien sûr, aux exigences morales de l’Église.

Habiter la ville, habiter un quartier, c’est entretenir des liens particuliers avec un territoire et ses composantes spécifiques. C’est aussi développer un attachement, un sentiment d’appartenance envers son milieu de vie.

Parallèlement, d’autres acteurs privés offrent de nouvelles formes de divertissement, souvent dans une perspective commerciale. Mentionnons des lieux comme le parc Sohmer, qui propose, entre 1889 et 1919, une grande variété de concerts et de spectacles. Des théâtres populaires, comme Le National ou la Lune rousse, apparaissent sur les rues Sainte-Catherine et Ontario, et contribuent à l’essor du vaudeville et du burlesque à Montréal. L’influence de la culture américaine se manifeste également avec l’arrivée du cinéma et du sport spectacle. Sur la rue Ontario, le stade De Lorimier accueille annuellement, à partir de 1928, des milliers d’amateurs de baseball qui viennent encourager les Royaux ou assister à différents spectacles de grande envergure.

Après la Deuxième Guerre mondiale s’amorce une période de transformation importante pour le territoire. De nombreuses usines ferment leurs portes ou déménagent. On assiste à un recul considérable de l’influence de l’Église et du rôle des paroisses dans la vie urbaine. Plusieurs groupes communautaires apparaissent et mobilisent la population autour d’enjeux critiques comme le logement, l’emploi et la défense des droits de groupes minoritaires. Cette sociabilité de résistance et de revendication deviendra un trait caractéristique du Centre-Sud.

Les dernières décennies, quant à elles, sont marquées par l’arrivée de nouveaux acteurs culturels qui investissent des espaces devenus vacants. Ils transforment des bâtiments anciens en lieux de création et de diffusion, comme l’Espace Libre, l’Usine C et l’Écomusée du fier monde, ou encore en résidences ou ateliers d’artistes, comme la Grover et la Coopérative d’habitation Lezarts. Ces transformations s’inscrivent dans une continuité et contribuent à la vitalité du territoire et de sa population.